par Evert VANDEPOLL

Le baptême est un des points difficiles de nos relations avec d’autres communautés chrétiennes. Souvent, le baptême d’un enfant est vécu comme un rejet, non seulement de ce rite mais aussi de l’église où il a eu lieu. En règle générale, la nouvelle église du baptisé va occulter ce problème. Je remarque au passage que le mot « rebaptême », si souvent utilisé, est péjoratif car il sous-entend une accusation d’anabaptisme, de baptiser « à nouveau » une personne qui selon les églises catholique ou réformée est déjà baptisée. Cette accusation condamne  un anti-baptême , rite qui se substitue au pédobaptême ( baptême d’enfant).

La confession de foi baptiste  ne considère comme véritable baptême  l’immersion après confession de foi. Unique et sans précédent, ce sacrement ne remplace rien, et ce mot “rebaptême “ n’est pas correct . Cependant, pour des raisons de facilité, je l’utilise sans y attacher une valeur péjorative.

Rebaptiser ou ne pas rebaptiser ?

Cette interrogation  est à la fois théologique et œcuménique. Elle ne touche pas seulement notre lecture du Nouveau Testament, mais également les relations avec d’autres églises et notre appréciation des autres communautés qui annoncent l’Evangile. Comment évaluer le vécu de ceux que nous accueillons ? Comment tenir compte des sensibilités de leur famille et de leurs amis ?

Liberté, fraternité et politesse

La réponse la plus simple serait de dire que seule notre conception du baptême biblique est valable et que toute autre pratique ne l’est pas. Nous n’avons qu’à tenir compte de nos propres règles, soit celles de notre église indépendante soit celles de notre Union ou Fédération.

Par exemple, les statuts baptistes stipulent, de façon catégorique : si quelqu’un veut devenir membre, qu’il passe d’abord par une immersion sur confession de foi.

Est-ce que cela sous-entend : … quel que fût le rite baptismal par lequel il est passé ailleurs ? Les statuts ne se prononçant pas explicitement sur ce sujet, chaque église et son  pasteur sont libres dans leur interprétation.

Officiellement, les églises évangéliques ne sont pas liées à l’interprétation d’une autre église. Elles sont libres de suivre leurs propres convictions. C’est pour une telle liberté d’ailleurs qu’elles ont combattu.Remarquons que les textes issus des dialogues entre catholiques, baptistes et pentecôtistes reconnaissent le droit de chacun de « changer de foi et d’allégeance ecclésiastique, tant que cela se fait sur la base d’une conviction personnelle et sans coercition ».[1] Ces textes donnent donc une pleine liberté d’action aux églises de suivre leur propre conviction et permettent de rebaptiser, puisque une conversion peut entraîner un changement d’opinion sur ce sujet.

Pas de problèmes alors ?

Le problème subsiste si l’on désire garder une bonne relation fraternelle avec d’autres églises voisines, même si la difficulté est réelle  à considérer une autre église comme faisant partie du corps du Christ. Dans le cas d’un “ second baptême “,il n’est pas pratique courante d’en informer les responsables de l’église de provenance. On n’insiste pas toujours à ce qu’un candidat, ancien  membre pratiquant d’une autre communauté, en parle d’abord avec le pasteur ou le prêtre. C’est ce silence qui en blesse certains et alimente les préjugés .

Trois approches                                                                                           

Revenons à la question du “second baptême “. Comment s’y prendre ? Plusieurs cas se présentent. Notre réponse va toutefois dépendre de l’approche adoptée.

  1. Certaines églises accueillent des personnes baptisées « autrement » ailleurs, sans exiger un rebaptême. On peut qualifier cette approche d’« œcuménique », puisqu’elle reconnaît les différents rites baptismaux d’autres églises.
  2. D’autres églises considèrent qu’à défaut d’un vrai baptême ces personnes ne peuvent pas devenir membres ou participer au Repas du Seigneur. Dans ce cas, il suffit d’expliquer, sinon d’argumenter , ce qui, en général, aboutit au baptême par immersion. C’est l’approche « baptiste ».
  3. Je propose une troisième approche  que j’appelle « baptiste œcuménique »

Quelques notes autobiographiques

Ma préférence pour la dernière approche n’est pas sans rapport avec mon cheminement, j’ajoute donc quelques notes autobiographiques.

De mon premier baptême, dans une Église Évangélique Libre aux Pays-Bas, je n’ai pas le  souvenir, seulement le compte rendu de mes parents. Quand j’ai annoncé, à l’âge de 16 ans ma décision de demander  le baptême de confessant, ils étaient d’abord perplexes mais ils ont vite commencé à s’interroger, eux aussi, sur ce que le NT enseigne. Finalement, mon père qui m’avait présenté en tant que nourrisson aux fonts baptismaux, est descendu avec moi dans les eaux de baptême. Un peu plus tard ma mère fut baptisée, en même temps que ma future épouse qui vient d’un milieu réformé traditionaliste. Bref, dans notre famille, nous avons vécu le soi disant “second baptême”comme une confirmation de ce que j’ai reçu de bon aux travers de mes parents et de l’église de ma naissance.

Après avoir servi dans des églises évangéliques, je fus appelé par une église réformée pluraliste qui se voulait œcuménique et qui m’a accueilli malgré ma conviction baptiste. Ce transfert m’a obligé à réfléchir à nouveau sur le baptême de nourrisson et à ce que les réformés appelaient le rebaptême.

Quant au premier baptême, j’ai constaté que la plupart des parents concernés n’acceptaient  pas la doctrine officielle de l’église. Ils ne voulaient qu’exprimer leur reconnaissance et demander une bénédiction pour leur enfant. C’est  ce que les parents évangéliques désirent aux travers d’une présentation d’un nouveau-né sans le rite d’aspersion. Par conséquent, le pédo baptême tel qu’il est souvent pratiqué, est beaucoup plus proche de la présentation d’enfants que du baptême d’adultes !

En ce qui concerne ce baptême d’adulte, je constate un décalage entre théologie et pratique. Tous les théologiens avouaient que Karl Barth avait raison et que le baptême de confessants était biblique, mais  ils continuaient à défendre le pédo baptême et interdire tout rite qui avait l’air de réitérer ce sacrement. Or, les réformés sont de plus en plus nombreux à demander l’immersion de confessants, après avoir vécu un renouveau spirituel. Aussi dans ma paroisse. J’ai remarqué que ces personnes ne dépréciaient pas du tout ce qu’ils avaient reçu auparavant et qu’ils souhaitaient rester dans leur église. Je  trouvais leur demande tout à fait légitime, d’autant plus que j’étais baptisé de la même manière. Les discussions au niveau local et national qui s’ensuivaient m’ont amené à écrire un livre où je plaide pour permettre à ceux qui le souhaitent un rite d’immersion que je qualifie de « baptême de confirmation ».[2]

Ensuite, en 1995, j’ai aidé à créer le « Mouvement Evangélique dans l’Eglise Réformée », qui revendique, entre autres, tel baptême. Pour l’instant, la porte est encore fermée, ce qui est d’autant plus regrettable que l’église réformée continue à perdre beaucoup de membres qui demandent le baptême ailleurs.

Après ce passage « réformé », mon chemin s’est poursuivi dans un autre contexte, mais je reste sensible aux tensions que peuvent provoquer les positions œcuménique et baptiste.

Questions suscitées par l’approche « œcuménique »

Ouverte et accueillante, l’approche œcuménique me semble la plus correcte. Elle ne brouille les relations inter églises. Elle ne trouble pas le parcours d’une personne dans une autre église. Pourtant, elle suscite quelques incohérences que l’on peut constater.

1°) Soulignant la parole de Paul qu’il n’y a qu’ « un seul baptême » (Eph 4.4), telles églises se refusent de baptiser à nouveau quelqu’un déjà baptisé ailleurs, même si c’est d’une façon différente. En accueillant des personnes sans exiger un rebaptême, elle accepte en effet une pluralité de baptêmes, ou plutôt une pluralité de modes de baptême : un athée converti passera par le rite d’immersion, tandis qu’une personne née dans un milieu catholique, réformé ou luthérien, peut faire valoir le rite d’aspersion de nourrisson. N’est-ce pas contredire l’unicité du baptême qu’elle affirme ?

2°) Les évangéliques qui se refusent de rebaptiser, posent souvent une condition : que la personne confesse sa foi publiquement. C’est la logique réformée : pédo baptême + confession de foi = baptême biblique. Telle logique est basée sur la naissance et l’appropriation d’une tradition au cours de la vie. Le baptême doit être suivi d’une catéchèse débouchant sur la confession ou la confirmation dans l’église.

En même temps, ces évangéliques enseignent une autre logique, basée sur la conversion : d’abord la démarche de foi, puis l’immersion sur confession de foi.

Entre ces deux logiques, ne serait-il pas cohérent de laisser le choix à chaque parent : soit un pédo baptême pour son enfant, soit attendre jusqu’à ce que l’enfant vienne à la foi et en témoigne aux travers d’un baptême de confessant ? Je connais des couples déçus du fait que la demande d’un rite baptismal pour leur bébé leur soit refusée, quand eux-mêmes furent accueillis sur la base de leur propre pédobaptême, dans une Église réformée.

3°) Une autre difficulté se présente dès qu’une personne devenue membre sans être passé par le rite d’immersion, désire être moniteur, animateur de groupe de jeunes, ancien ou même pasteur dans l’église qui prône le baptême de confessants. Il représente l’enseignement de l’église mais de par son cheminement il représente à la fois une autre « option ». On voit bien le problème surgir quand on veut obéir à l’injonction biblique de suivre l’exemple de ses conducteurs.

Récemment à la faculté à Louvain, j’ai assisté à un débat autour de ce problème. Il paraissait que dans nombre d’églises évangéliques qui adoptent l’approche œcuménique, on ne donne pas de responsabilité à quelqu’un qui n’est pas passé par une immersion sur confession de foi. Telle politique fut taxée incohérente par la plupart des participants, puisqu’elle revient à ce que l’on n’accueille pas vraiment ceux qui ont été baptisés enfant. L’approche œcuménique leur est réservée jusqu’à qu’ils aspirent à une tâche de responsabilité. Alors, la situation change et on adopte l’approche baptiste.

4°) Les catholiques, protestants et évangéliques « œcuméniques » s’accordent à dire qu’un baptême ne doit jamais être répété. Selon eux, le baptême est non répétitif du fait que l’expression « un seul baptême »  implique « une seule foi ». Même si la forme n’a pas été celle qu’aurait préférée le pasteur évangélique, le rite ne peut être réitéré, sous quelque forme que ce soit, du fait que le Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit a été prononcé.

Cependant, « un seul baptême »  (Eph 4.4) ne veut pas forcément dire « une fois pour toutes ». Paul n’utilise pas le mot hapax, « une seule fois ». Selon le contexte, l’unicité du baptême se rapporte à l’unicité du Christ. Lui est mort et ressuscité une fois pour toutes, et c’est à cela que l’on s’identifie quand on passe par les eaux de baptême, « mourir et ressusciter avec le Christ ». Or, que faire quand telle identification n’a pas encore eu lieu ?

Actes 19 relate l’exemple d’un  autre baptême, car le premier baptême était défectueux, non pas dans sa forme mais quant à son contenu.  Vraisemblablement il s’agissait des chrétiens (le mot « disciples » est utilisé sans qualification), baptisés de manière correcte, sans qu’ils se soient pour autant appropriés tout ce que le Christ a fait pour eux. Alors, Paul va réitérer l’immersion, en ajoutant cette fois-ci les paroles justes et la prière pour la réception du Saint-Esprit.

On peut rétorquer qu’il ne s’agissait pas là d’un baptême « chrétien » qu’il fallait revivre. Mais quelle est la différence quand on est persuadé que le pédo baptême n’est pas en accord avec l’enseignement biblique, quoique le Nom du Dieu trinitaire soit prononcé.  Ils ( ?) considèrent qu’ un baptême de confessants reste encore à faire ?

L’exemple d’Actes 19 m’amène à poser la question : pourquoi  s’acharner à ne jamais baptiser quelqu’un qui est passé par un rite que ne correspond pas tout à fait à ce que le NT enseigne ?

5°) Une dernière question concerne les personnes baptisées nourrissons qui ont vécu une expérience de conversion. Parfois ils ne voient pas la nécessité d’une immersion , et l’approche « œcuménique » va les conforter. Or, la plupart d’entre eux le désirent vivement, pour témoigner de leur nouvelle naissance et obéir à l’ordonnance du Christ. Ils ne voient pas pourquoi ils devraient se contenter du rite que leurs parents ont choisi pour eux. Quand on leur dit qu’il fallait assumer le pédo baptême comme véritable baptême, ils seront le plus souvent déçus, d’autant plus quand ceux qui le disent prêchent et pratiquent le baptême qu’ils désirent, eux aussi ?

J’estime que l’on prive ces personnes d’une bénédiction particulière. Si le second baptême est refusé, c’est que l’on ne veut pas annuler le “ premier”  après leur naissance. On peut présenter tel baptême non pas comme un remplacement mais comme une confirmation de ce qui a précédé. Loin de renier le Nom du Dieu trinitaire et les paroles qui ont été prononcées à l’époque, la personne va les assimiler  au travers du baptême qu’il a décidé lui-même de demander. La personne assume ce que les parents ont souhaité dans le temps, à savoir que leur enfant connaisse l’évangile et suive le Christ.

Interrogations par rapport à l’approche « baptiste »

Venons-en à l’approche « baptiste ». Elle a l’avantage d’être claire et nette, sans ambiguïté.

Certes, il y a discontinuité entre « maintenant » et « auparavant » – la personne vient de se convertir , mais son passé subsiste.

1°) Dans la préparation au baptême , un enseignement biblique est donné et expliqué. Le pédo baptême n’est pas considéré, ni  le vécu dans une autre église comme un élément qui a préparé le chemin à la conversion. Autrement dit, l’historique et le contexte antérieur sont escamotés. « Retenez tout ce qui est bon », dit l’apôtre Paul (Philippiens 4.8). A à mon avis cela concerne également le bien reçu ailleurs : l’éducation religieuse des parents et des catéchètes, l’exemple de foi d’un pasteur ou d’un prêtre, les moments forts, etc. Tout en reniant le rite d’aspersion de nourrisson, on peut en apprécier certains aspects et confirmer ce qu’il y de bon dans les traditions d’autres églises : l’engagement de l’église d’enseigner l’évangile, la bénédiction au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, la confession de foi des parents , etc…

Je pense qu’il faut en parler dans la préparation au baptême. Dans une discussion sur la conversion et le moment du baptême, Alain Nissus donne plusieurs raisons pour lesquelles un certain temps entre les deux événements est souhaitable. « Surtout pour celui qui a subi l’aspersion rituelle en tant que nourrisson. Il est juste qu’il soit informé de la douleur que ressentent les autres face à ce qu’ils estiment être un re-baptême et les raisons pour lesquelles les baptistes se sentent contraints de « passer à l’acte », malgré les difficultés œcuméniques que cela suscite ».[3]

Un jeune homme de notre assemblée souhaitait le baptême et il était troublé par le rejet de ses parents catholiques à la Réunion. Il souffrait d’agir contre leur volonté. J’aurais pu l’encourager à « quitter les parents et suivre Jésus », mais j’ai préféré laisser du temps à lui et ses parents pour dialoguer et s’accorder. Le risque était que la situation ne se débloque pas ! Après quelques mois les parents ont apprécié le respect montré par leur fils, en lui disant : « nous respecterons ta décision ». Les conflits ne sont pas toujours faciles  à éviter .

2°) Plus la personne,  qui a vécu dans une autre église, a progressé dans sa vie spirituelle, plus le baptême prend le caractère d’une ‘confirmation’ de ce qui a précédé.  Je suis persuadé qu’il convient de l’exprimer dans la liturgie du baptême.

Avant de procéder au baptême, je pose trois questions par rapport au contenu de la foi, puis l’assemblée récite la Confession Apostolique. Ces trois questions sont : Est-ce que tu affirmes que tu t’es tourné(e) vers Dieu, et que tu as accepté Jésus-Christ, son Fils, comme ton Sauveur et Seigneur ? Renonces-tu à Satan et ses œuvres, ainsi qu’à la domination du péché ? Est-ce ton désir et ton engagement d’aimer Dieu et de suivre Jésus-Christ, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ton intelligence et de toute ta force ? »

Puis, au cas où la personne a été baptisée nourrisson, j’ajoute : « …, tu as reçu, en tant que nourrisson ; une aspersion d’eau dans le nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Maintenant tu vas passer par les eaux du baptême. Nous rendons grâce à Dieu pour tout ce qu’il t’a apporté aux travers de tes parents et l’église où tu as reçu ce baptême de nourrisson ».

Au cas où la personne a fait, plus tard, une confession publique de sa foi, j’enchaîne par : « Plus tard, tu as fait une confession publique de ta foi, dans une église. Maintenant nous confirmons cette confession-là, aux travers de ce baptême par immersion ».

Une personne très engagée dans notre assemblée a depuis longtemps refusé de demander  le baptême. Auparavant celle-ci avait vécu une véritable intervention de Dieu dans sa vie et  en a témoigné lors de sa confession de foi publique dans une église presbytérienne au Madagascar. Comment pouvait-elle s’écarter de cette expérience ? Mais quand cette personne a compris que le baptême de confessant était un acte de confirmation, et a fini par accepter le baptême.

3°) Et si quelqu’un n’est pas convaincu de la nécessité du baptême de confessant ? Cela arrive, aussi dans les églises baptistes. Je pense à des gens qui ont été baptisés adolescents, par aspersion, dans l’église catholique ou chez les réformés. Doit-on leur dire : assumez votre baptême, vivez comme un croyant qui est mort et ressuscité avec le Christ ?

Dans mon assemblée j’ai souvent discuté avec deux jeunes hommes, de parents méthodistes, qui ont pris le baptême par aspersion dans une église catholique lorsqu’ils étaient  scouts. Apparemment, le prêtre leur a donné une catéchèse et la démarche fut sincère, avec une confession de foi. C’est pourquoi ils se considèrent vraiment baptisés et moi, en tant que pasteur, je devais respecter leur historique spirituel et j’ai fini par ne pas insister,

J’aimerais bien que nos deux frères passent encore par un rite de confirmation, sans ou avec de l’eau, puisqu’ils ont vécu un renouveau de leur foi dans notre église.

4°) Quelle place pour les enfants, nous demandent les églises non « baptistes » ? La question est pertinente. On désire, évidemment, que les enfants se sentent concernés par l’évangile et par la vie de l’église, mais théologiquement parlant, ils ne sont pas encore sauvés, ou le sont-ils pour l’instant, et pour combien de temps ? L’opposition au sacramentalisme catholique, héritée de la Réforme, nous a fait frileux par rapport à tout ce qui peut donner l’impression d’un sacrement, en dehors du baptême et la cène.

Nous soulignons l’exemplarité du baptême de Jésus, mais que faisons-nous avec les deux moments clés de son enfance que Luc relate dans son Evangile ? D’abord sa présentation. Après le rite prescrit au temple, il a reçu une bénédiction de la part de Siméon. On peut y ajouter la bénédiction des enfants que les parents venaient présenter à Jésus. Le récit est presque un modèle de liturgie, surtout dans la version de Marc (10.13). En vue de ces précédents bibliques il convient de permettre aux parents un rite de bénédiction, comme c’est déjà le cas dans de plus de plus d’églises. Ce rite exprime que le nouveau né est accueilli par le Seigneur et qu’il a sa place à part entière dans la nouvelle alliance, jusqu’à ce qu’il soit parvenu à l’âge où il doit se décider lui-même.

Deuxièmement, la participation de Jésus aux discussions des scribes quand il avait douze ans. Ce moment correspond au rite de bar mitsvah (bath mitsvah pour les filles) dans la synagogue, qui marque le passage de l’enfance à l’adolescence et qui exprime que l’enfant est désormais adulte en matière de religion. On peut le comparer également aux rites de confirmation pour les adolescents dans les églises pédo baptistes. Dans nos églises il n’existe pas vraiment de rite de passage pour les juniors, les préados. Mais rien n’empêche d’en introduire. Pour ne citer qu’un exemple ; dans l’église libriste où j’ai grandi on faisait chaque année un culte pour terminer la période d’École du dimanche, d’une manière solennelle et liturgique. J’en garde encore un vif souvenir tout à fait positif. A ce moment-là, j’ai pris conscience que je n’étais plus un enfant en ce qui concerne la foi.

5°) Dans beaucoup d’églises, les seuls baptisés (par immersion) sont admis au Repas du Seigneur. Pour compréhensible qu’elle soit en théorie, cette règle est assez problématique dans la pratique. Elle oblige à ne pas admettre des frères et sœurs d’autres églises, qui sont de passage chez nous. Un réformé qui se considère baptisé, qui aime le Seigneur de tout son cœur  et qui est bien engagé dans la foi se verra exclu. Un membre d’une église évangélique qui n’est pas encore baptisé, peut-être parce que son église n’insiste pas trop là-dessus, et qui prend régulièrement part à la sainte cène sera tout d’un coup repoussé dans le rang de ceux qui doivent encore attendre.

Imaginons un pasteur qui suit cette règle dans sa propre église, et  va assister à un culte ailleurs, ou à un rassemblement inter- Eglises, et qu’il participe à la Sainte Cène avec des convertis non baptisés. Ne devrait-il pas s’en abstenir pour rester cohérent avec son ecclésiologie ?

Approche « baptiste œcuménique »

Voici l’approche « baptiste œcuménique » qui se dessine aux travers des questions posées et des suggestions faites par rapport aux deux approches.

Quelques remarques préalables.

1°) « Ici on ne baptise pas de touristes, seulement des immigrés ». Réaction d’un pasteur à la demande de ceux qui voulaient prendre le baptême chez lui, tout en restant membre de leur église où cela n’était pas possible. Lui considérait que telle démarche impliquait un engagement vis-à-vis de son assemblée. Pour ma part, je ne suis pas trop dogmatique sur ce sujet. En règle générale, le baptême se situe dans la vie d’une église et le baptisé doit être encouragé de prendre sa responsabilité dans cette communauté, mais il y a toujours des situations exceptionnelles.

2°) « Un baptême sur confession de foi par aspersion ne suffit pas, même si vous étiez converti à ce moment-là. Il faut encore passer par une immersion ». Certains responsables tiennent ce propos et exigent l’immersion. Ceci est vraiment un « rebaptême ». Or, qu’est ce qui constitue un véritable baptême ? Autrement dit, un baptême est-il incomplet quand toutes les conditions ne sont pas réunies. La quantité d’eau utilisée ne fut pas telle que l’on pouvait visualiser symboliquement la mort et résurrection avec le Christ ?

3°) « Faut-il rebaptiser ou non quelqu’un après une période d’apostasie ? » Cette question se posait déjà dans les premiers siècles, pour  ceux qui avaient renié la foi lors de la persécution et qui voulaient réintégrer l’église. On connaît par exemple la discussion à ce sujet entre Cyprien (contre un rebaptême) et Cyrille (pour).

De nos jours, il arrive assez souvent qu’une personne a pris le baptême à 12 ou 13 ans ou même plus tôt et qu’elle a quitté le chemin de la foi lors des « années difficiles » qui suivaient. Quand elle se convertit plus tard – dans la même communauté ou ailleurs – elle exprime souvent un désir de passer par un baptême, en disant que la première fois « je ne savais pas encore ce que c’était », ou « je l’ai fait pour plaire à mes parents » ou « parce que toutes mes copines le faisaient », etc.

Il arrive que des personnes baptisées adultes retombent dans le monde et vivent dans le péché, et qu’ils reviennent au Seigneur – dans la même communauté ou ailleurs.

Il est fort compréhensible que l’on demande le baptême dans de telles situations. Une saine prudence est de mise, chaque cas étant différent. Mais, quand il s’agit d’une véritable apostasie, je pense que l’on peut y répondre favorablement. Si cela n’arrive que rarement en Europe, en Afrique cela se produit plus souvent.Certaines  églises au Congo Kinshasa les rebaptisent et cela peut même se reproduire plusieurs fois.

Si on juge bon d’agir de la sorte, il faut souligner que cet acte ne remplace nullement le premier baptême et qu’il ne fait que le confirmer. Pour ma part, je préfèrerait un rite de confirmation qui ne réitère pas l’immersion mais qui rappelle l’engagement pris dans le temps. Cela permettra au rétrograde repenti d’assumer à nouveau son baptême antérieur.

4°) Tel rite de confirmation n’existe pas vraiment dans les milieux évangéliques. Or, je pense qu’il serait utile d’en avoir un, pas uniquement pour les personnes à qui on doit dire : “Assumez votre baptême reçu ailleurs”. De façon implicite, chaque culte de baptême est déjà un  rappel pour ceux qui ont fait la même démarche auparavant. Mais imaginons un moment plus défini, plus clair, où chacun se rappelle ses vœux et renouvelle son engagement. Dans d’autres églises, on connaît le « renouvellement du baptême » lors de la veillée de Pâques ou lors du culte de Pâques, un rite autour de la lumière du cierge de Pâques. La Bible ne préconise rien à ce sujet, c’est plutôt pour des raisons pastorales que je considère une confirmation de baptême utile et pertinente. Ainsi, le baptême ne se situe-t-il pas seulement au début de la vie chrétienne mais en devient-il un élément constituant. Et n’est-ce pas là la signification du baptême : placer le cheminement du croyant sous le signe de la mort et de la résurrection avec le Christ ?


[1]  Le dialogue catholiques-évangéliques ; débats et documents, Editions Excelsis, Cléon d’Andran 2002, p.36

[2] Dopen en laten dopen (‘Baptiser et laisser baptiser’), Gideon, Hoornaar 1995

[3] Alain Nissus, Le baptême comme confession, Les cahiers de l’école pastorale, n° 54, 2004/4, p. 25.