Soyez vigilants !

Le chapitre 13 de l’Evangile de Marc est parfois considéré comme une ‘petite apocalypse’. Il en contient les principaux ingrédients dont l’accumulation d’annonces de catastrophes à venir.  Lire ce texte aujourd’hui pourrait donc être très démoralisant… Surtout que le chapitre se conclue sur la parabole du maître de maison qui part et revient, avec en ouverture cet appel à la vigilance et à une bonne gestion du temps :

« Soyez vigilants, restez sur vos gardes, puisque vous ne savez pas quand viendra le moment. »  Evangile de Marc, 13 : 33 à 37

L’hiver qui arrive, le confinement, la crise économique qui s‘ajoute à la crise sanitaire, tout semble comme suspendu, ralenti… Et nous inviter à la somnolence, à l’assoupissement qui, parce qu’il contracte les minutes, permet à l’instant présent de s’enfuir plus vite. Peut-être espérons-le, pour laisser place à un jour meilleur, même si l’on ne sait pas quand ce jour arrivera… Pitié, Seigneur ! Raccourcis ces jours si mauvais…  C’est bien dans ce chapitre que l’on trouve ce verset :

« Vraiment, si le Seigneur n’avait pas décidé de réduire le nombre de ces jours, personne n’en réchapperait ; mais à cause de ceux qu’il a choisis, il abrégera ces jours. »

Même l’Avent qui démarre depuis quelques jours semble nous pousser dans cette voie d’espérer, de demander un raccourcissement…

Et cela semble tellement juste parce qu’enfin, attendre c’est bien être tout tendu vers ce qui est devant nous. Et vu la situation présente, quoi de plus facile que d’attendre des jours meilleurs. Lorsque tout semble sombre et fort capable de s’assombrir encore, quoi de mieux que d’attendre le jour et la lumière, la chaleur du soleil, le retour du printemps ?  Demain sera un jour meilleur…

Puisque demain le moment viendra où le maître de maison sera de retour… Enfin !

Entièrement tendu vers ce futur à venir, et que nous espérons tous proche, peu nombreux sont ceux qui ont vu que ces phrases de l’Evangile de Marc au chapitre 13, des versets 33 à 37, ne contiennent pas de futur.

Il y a des futurs dans ce chapitre : par exemple, au verset 26, « Alors on verra le Fils de l’Homme venir sur les nuées… » ; mais dans ce verset 33, il y a un présent. ‘Vous ne savez pas quand c’est le moment’ et puis dans le verset 35 il y a aussi un présent : ‘vous ne savez pas quand le maître de la maison vient’.

En fait, c’est bien simple, il n’y a aucun futur dans le texte grec de tout ce passage final du chapitre 13… Et c’est là tout l’Evangile parce que c’est aujourd’hui le jour du salut, le kaïros, le moment où il y a des choses à vivre, à voir, des gens à aimer, des réformes à programmer.

L’Avent des premiers siècles tout tendu vers l’arrivée du soleil de Justice en la personne de Jésus a laissé place à un aujourd’hui qui demeure actuel quelle que soit la situation.  Certes il y a des temps plus difficiles que d’autres, et selon toute probabilité nous en vivons un. Certes, nous sommes entrés dans le temps de l’Avent, pour faire mémoire de la naissance du Christ.

Mais l’Evangile de Marc nous appelle à la vigilance, pas à l’attente. Il nous invite à voir le moment que nous vivons comme celui où quelque chose peut se produire. Quoi que ce soit. Le maître peut venir, certes, de cette venue qui changera radicalement nos vies et ce sera un ‘kairos’, un temps merveilleux. Mais s’il ne vient pas maintenant de cette façon-là, le temps de ce maintenant sera également un ‘kairos’ si nous sommes vigilants.

Notre vigilance est pour aujourd’hui, pour maintenant, pas seulement pour le temps d’après, le jour de demain. Il y a forcément quelque chose à vivre aujourd’hui puisque le soleil de justice est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde, puisque le royaume est là, au milieu de nous.

Qu’en ces temps de l’Avent, nous l’entendions tout à nouveau nous exhorter à tenir ferme, à rester debout. Que nous réapprenions à goûter la joie de savoir cette présence de Dieu trop souvent perdue sous le fatras et le poids des urgences quotidiennes, celui de préparatifs de toutes sortes ou de programmes innombrables.

Que nous apercevions tout à nouveau sa lumière nous indiquer la route à suivre surtout s’il y a des embranchements douloureux sur cette route. Que nous voyions son profond regard d’amour posé sur nous, nous invitant à la confiance, nous amenant à le suivre encore et toujours.

Que nous redevenions sensibles à ces tâches que le maître de la maison nous a confiés : aimer et servir ou encore servir et aimer…

Attendre celui qui est déjà venu et qui reviendra, c’est travailler à rester sensible à sa présence partout et toujours. Cette vigilance-là sera notre sécurité dans ce temps de transition.

Que le seigneur convertisse notre attente en joie simple et parfaite de le savoir toujours présent…