Accompagnement social des victimes de violences conjugales et de leurs enfants

Marie-Anne Lem

Souvent, lorsque nous nous trouvons face à une victime de violences conjugales, nous nous sentons démunis, car nous ne savons pas comment l’aider. De quelle façon soulager sa souffrance ? Que faire pour la protéger ? Où trouver de l’aide, demander conseil ?

Cet article vous indiquera des possibilités d’aide et d’accompagnement existant en France, pour lui permettre de sortir de son engrenage. 

Si vous découvrez qu’une femme (ou un homme) dans votre entourage, dans votre église est violentée dans son couple, et si vous vous sentez démuni face à sa situation, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de professionnels. C’est même très fortement conseillé !

Rassurez-la en lui disant : 

« Vous n’y êtes pour rien ! Il n’a pas le droit de vous faire subir ça, c’est interdit par la loi. Vous n’êtes plus seule. »

Vous l’aiderez en lui donnant les coordonnées des associations compétentes pour l’aider (le CIDFF, le 3919)

Dans un premier temps, gérez l’urgence :

– Aidez-la, ne minimisez pas les brutalités qu’elle subit.

– N’allez pas demander auprès du conjoint une confirmation sur la réalité de son récit. Il vous mentira et, dans la majorité des cas, il risque de s’en prendre à elle pour avoir « osé » parler. Il risque d’y avoir escalade de la violence.

– Ne suggérez surtout pas de thérapie conjugale ou de médiation, c’est inutile et cela aggraverait la situation. Ici vous n’aidez pas un couple qui se dispute, mais une femme maltraitée par son mari.

– Si elle décide de s’enfuir, n’informez personne du lieu où elle se trouve. Si elle part avec ses enfants, conseillez-lui de déposer une main courante (ca ne sert a RIEN. Une plainte, oui) au commissariat, en indiquant qu’elle a quitté le domicile conjugal avec ses enfants parce qu’il y avait danger. Cela facilitera les démarches à venir (ex : décision en lien avec la garde des enfants).

Dans un second temps, recherchez des solutions possibles.

Le plus important, répétez-lui : « Vous n’êtes pas seule ! »

Comme ce schéma le montre, un large dispositif d’aidants l’entoure (et vous en faites partie).

– Si cette femme est en grave danger, vous avez pour devoir d’agir. Mais faites-le avec sagesse, en toute sécurité pour elle et pour vous. Des associations ressources vous aideront et vous renseigneront sur ce qu’il faut faire et comment le faire. Mais pour résoudre le danger immédiat, appelez le 17 (la police) et ensuite le 3919 (SOS Femmes). Si elle a besoin de soins, conduisez-la à l’hôpital où elle sera prise en charge.

– Insistez auprès d’elle sur le caractère irréversible de cette relation, son bourreau ne changera pas. La lune de miel, les fleurs, les « excuses » et les promesses de changement ne signifient pas la fin des violences, mais juste la dernière étape du cycle qui la ramènera à nouveau à la première étape de ce même cycle.

Il est important que vous respectiez bien ces quelques principes :

– Parlez avec la victime seule, sans les enfants, en assurant une confidentialité totale. Cela vous permettra d’obtenir sa confiance et d’assurer sa sécurité et celle des enfants. Ne notez surtout pas ses coordonnées, même sur une liste de prière. Son conjoint violent contrôle tout !

– Écoutez-la avec attention et patience : elle a besoin de temps pour mettre des mots sur ses sentiments et sur les choses qu’elle a vécues. Surtout croyez-la, aidez-la à formuler ses demandes d’aide. Elle a souvent été confrontée au déni de sa parole.

– Respectez son droit de prendre ses propres résolutions qui accompagneront son cheminement. Qu’elle se sente en droit de reprendre les commandes de sa vie, dès qu’elle s’en sentira prête.

Laissez-lui du temps. Si elle ne se sent pas prête à se séparer, ne la forcez pas et continuez à la soutenir. Un jour elle sera prête et cherchera une solution pour partir.

Si cette femme n’a pas de solution d’hébergement, SOS Femmes essaiera de trouver un accueil provisoire, en contactant le 115 (numéro d’urgence social). Ce service gère les demandes d’accueil en centre d’hébergement, et l’orientation en fonction des places disponibles. Pour les cas de violences conjugales, il existe des Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS), spécialisés dans l’accueil et l’accompagnement de ces femmes et de leurs enfants.

L’accueil se fait en toute confidentialité et l’équipe de travailleurs sociaux est soumise au secret professionnel. Cela veut dire qu’elle n’a aucun droit de divulguer des informations sur la résidente à qui que ce soit, sauf aux autorités ou avec le consentement de la résidente en question. Si un membre de sa famille, des amis ou le compagnon appellent le Centre pour demander si la victime y est bien hébergée, et souhaitent avoir de ses nouvelles, le travailleur social les informe qu’il n’a pas le droit de divulguer d’informations à son sujet.

 

Prise en charge et accompagnement social en CHRS (Centre d’Hébergement et Réinsertion Sociale)

La prise en charge en Centre d’accueil, permet à la résidente de se poser, de se reconstruire et de reprendre sa place de femme et de mère.

Mais tout cela demande du temps, de la patience et de l’aide. Et surtout d’avoir la volonté de changer de vie, ce qui n’est pas chose facile à faire. Les sentiments sont toujours présents : « Comment accepter d’avoir laissé les choses aller aussi loin ? Et puis, il n’était pas comme ça quand on s’est rencontrés, il doit y avoir un fond de vérité quand il dit que tout est de ma faute. Tout le monde l’apprécie et ne pense que du bien de lui. Il dit qu’il m’aime et que tout ce qu’il fait, c’est pour m’aider à m’améliorer pour être l’épouse, la compagne que je dois être. » 

La première étape pour sortir de cet engrenage est de reconnaître que son mari/compagnon est violent. La seconde est la décision de vouloir changer et de quitter ce « foyer », pour cela elle doit oser demander de l’aide.

Les travailleurs sociaux dans les CHRS travaillent en partenariat avec le CIDFF (Centre d’Information des Droits des Femmes et de la Famille). Celui-ci est composé de juristes expérimentés qui offrent des conseils juridiques de façon confidentielle et gratuite, dans les domaines du droit civil, droit de la famille, droit pénal, aide aux victimes… 

Si l’aspect juridique est important pour commencer à se reconstruire, il n’est pas suffisant. Pour qu’une victime parvienne à redevenir femme à part entière, elle doit aussi reconstruire son identité. Qui est-elle ? Qui veut-elle devenir ? Qu’est-ce qu’elle aime ou n’aime pas ? Qu’est-ce qu’elle veut faire ou ne pas faire ? Quel métier exercer ? Il lui faut imaginer son futur, faire des plans…

Ces sujets sont abordés lors des entretiens avec les travailleurs sociaux des CHRS, mais nous recommandons aussi un accompagnement auprès d’un psychologue expérimenté pour un travail plus en profondeur. Certains CHRS ont leur propre psychologue ; dans le cas contraire, nous travaillons en lien avec une association d’aide aux victimes. Celle-ci propose des entretiens individuels ou en groupe. Elle propose aussi un accompagnement pour les enfants qui ont un grand besoin de se reconstruire. Ils ont été témoins de beaucoup de brutalités, et ont besoin de mettre des mots sur leur vécu, d’apprendre comment fonctionne un foyer stable, aimant.

L’accueil en CHRS est limité sur la durée, il faut donc se projeter dans la vie future, trouver un travail, un logement. Certaines femmes violentées ont toujours travaillé, mais ce n’est pas le cas de toutes. D’autres n’ont jamais travaillé, ni même fini leurs études. Le simple fait d’imaginer devoir trouver un travail engendre une grosse angoisse, avec toutes les incertitudes sur leurs capacités qui remontent. Le simple fait de trouver un métier susceptible de leur plaire leur est impossible. Dans les associations d’aide aux victimes, il existe des plateformes d’aide à l’insertion professionnelle pour ces femmes. Elles proposent un accompagnement individuel qui prend en compte leur vécu, afin de favoriser le retour à l’emploi. À cause de leurs souffrances, les victimes de violences ont développé des blocages qui risquent de les mettre en difficulté dans leur recherche de travail. C’est pour cela qu’on leur propose des ateliers qui permettent de les aider à surmonter ces blocages : groupe de parole, expression corporelle, expression orale, ateliers créatifs… Le but est d’aider la personne à décrocher un entretien d’embauche, passer cet entretien et réussir à obtenir un emploi stable. En plus de la recherche d’emploi, ces ateliers l’aideront à se défaire de ses craintes et angoisses, et à apprendre à refaire confiance aux bonnes personnes.

Les obstacles

Nous l’avons dit, elle a des moments de doutes. Les sentiments sont toujours présents chez elle, son partenaire essaie de la séduire pour la faire revenir à la maison. Déclaration d’amour, promesse de changement de comportement… Et là, elle se laisse séduire et souhaite « réessayer » la vie en couple. Ne vous découragez pas, respectez son choix, elle garde les commandes de sa vie. Mettez-la simplement en garde et dites-lui que vous continuerez à la soutenir et qu’elle peut vous contacter si elle en a besoin.

Plus tard elle se rappellera que, contrairement à son mari, vous lui avez donné la possibilité de faire son propre choix. Et à ce moment-là, elle sera peut-être prête à le quitter définitivement.

Protégez-vous, il est important de garder une « distance » émotionnelle dans ce genre d’accompagnement. Sans cela, vous ne réussirez pas à l’aider efficacement. Si vous ressentez le besoin de vous confier, trouvez une personne compétente avec qui en parler.

Informations utiles 

Nous entendons souvent qu’une victime est mal prise en charge lors du dépôt de plainte. Elle n’est pas prise au sérieux, tant qu’elle n’est pas blessée, ce n’est pas si grave que ça.

C’est pourquoi le gouvernement a décidé de mettre en place des formations sur la prise en charge des victimes, à l’intention des services de police et gendarmerie. De plus, une grille d’évaluation du danger a été créée, afin que les policiers et gendarmes aient une meilleure estimation des signaux d’alertes des femmes victimes.

1) En novembre 2018, une plateforme de signalement a été créée. Sous forme de chat, elle permet un échange individualisé avec un policier ou un gendarme spécialement formé pour cela. Elle est accessible 24h/24 et 7j/7 sur un ordinateur, une tablette ou un smartphone, et permet de rester anonyme pour ceux qui le souhaitent. Aucune obligation de donner son identité. Elle permet d’orienter la victime vers le dépôt de plainte et de faciliter une prise en charge sociale et/ou psychologique. 

La plateforme peut être utilisée par les victimes et/ou les témoins des violences.

www.signalement-violences-sexuelles-sexistes.gouv.fr

2) En 2010 a été mis en place le 114. Ce numéro d’urgence a été créé pour permettre aux personnes sourdes ou malentendantes, victimes ou témoins d’une situation d’urgence, de solliciter une intervention en urgence. Aujourd’hui, il permet aussi à une victime de violences de contacter le service d’urgence, sans qu’elle ait besoin de parler si elle est en danger et se cache. Il a été notamment proposé aux victimes pendant le confinement dû à la crise sanitaire du Covid-19 en 2020. 

Ces deux systèmes de contact permettent à la victime de rester en lien avec les autorités et d’être rassurée jusqu’à ce que les secours arrivent et que le danger soit écarté.

3) Si vous avez besoin d’informations sur le plan juridique, contactez le CIDFF (Centre d’Informations sur le droit des femmes et familles) de votre département. 

Une équipe de juristes accueillent les femmes et les informe sur leurs droits, identifient leurs difficultés, offrent un accompagnement global dans leurs démarches policières, judiciaires, médicales, sociales et professionnelleswww.infofemmes.com

Pour conclure

J’aimerais vous laisser un verset d’encouragement et de soutien pour les victimes, mais aussi pour toutes les personnes qui sont témoins des violences.

Ésaïe 41 : 10 « N’aie pas peur maintenant, car je suis avec toi. Ne lance pas ces regards inquiets, car ton Dieu, c’est moi. Je viens te rendre courage, j’arrive à ton secours et je te protège, ma main droite tient sa promesse. »

Victimes, n’ayez pas peur de quitter cette vie faite de brutalités en tout genre, vous n’êtes pas seules !

Témoins, n’ayez pas peur d’agir, suivez les recommandations que vous pouvez lire dans ce Hors-Série, et agissez !

 

Les ressources

 

Liens internet 

https://arretonslesviolences.gouv.fr/  Ce site est sécurisé, on peut effacer toute trace de son passage en cliquant sur l’œil barré en rouge en haut à droite de la page. Ce site permet d’accéder à la plateforme de signalement, de se renseigner sur les droits des victimes et les démarches qu’elles peuvent entreprendre.

Vous y trouverez aussi un onglet pour vous renseigner si vous êtes témoin ou si vous accompagnez une victime.

 

http://www.infofemmes.com/v2/p/Lutte-contre-les-violences/10 Vous y trouverez le numéro de téléphone du CIDFF de votre département. Des juristes vous renseigneront, notamment sur l’aspect juridique.

 

https://stop-violences-femmes.gouv.fr/-les-associations-pres-de-chez-vous-.html Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, avec répertoire d’associations par département.

www.filsantejeunes.com (0 800 235 236) Géré par l’École des parents et des éducateurs, service anonyme et gratuit pour les 12-25 ans tous les jours de 9h à 23h.

https://enfantbleu.org/ (01 56 56 62 62 ; de 11h à 18h lundi à jeudi et 10h à 17h le vendredi) Association qui mène des actions de prévention et accompagnement.

Numéros de téléphone

 

3919 : Si vous connaissez une personne victime de son conjoint ou si vous avez un doute, donnez-lui ce numéro de téléphone national. Il est facile à mémoriser, donc pas besoin de le noter sur papier.

 

115 : Numéro d’urgence sociale. Certes la ligne est souvent saturée, mais ce service permet aussi de trouver une place dans un foyer d’urgence pour les victimes de violences.

 

119 : Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée. 

 

114 : Officiellement, c’est le numéro d’urgence pour les sourds et malentendants. Mais si la victime est en danger et ne peut pas parler, elle peut envoyer un message à ce numéro pour demander de l’aide.

 

112 : Numéro européen des services d’urgences en cas de danger. Il est plus simple de mémoriser ce numéro que de devoir réfléchir s’il faut contacter le 15, le 17 ou le 18.