Luc 22:49-51 “Ceux qui étaient avec Jésus, voyant ce qui allait arriver, dirent : Seigneur, frapperons-nous de l’épée ? Et l’un d’eux frappa le serviteur du souverain sacrificateur, et lui emporta l’oreille droite. Mais Jésus, prenant la parole, dit : Laissez, arrêtez ! Et, ayant touché l’oreille de cet homme, il le guérit.”

Méditation du pasteur Christophe Hahling

L’Arrestation du Christ par le Cavalier d’Arpin, v. 1597, avec à droite Pierre blessant Malchus (serviteur de Caïphe) et, à gauche, le jeune homme nu sous le drap.

La scène racontée dans ce texte est bouleversante et poignante ! Nous constatons ici les dernières paroles de Jésus, que les disciples ont entendues de sa bouche avant sa mort : trois paroles adressées au traître, à eux les disciples, et aux persécuteurs. Et ensuite, il leur est arraché. Pierre le verra encore une fois, de loin, le reniera, et sera vu de lui (v.61a). Et ensuite, ils ne le reverront que sur la croix.

Auparavant, Jésus venait de leur adresser cette exhortation :  “Levez-vous   et   priez, pour ne pas céder à la tentation” (v.46b). Et c’est alors que, pendant qu’il parle encore, une troupe arrive pour l’arrêter (v.47a). Comme le suggère très à propos H. Gollwitzer dans son commentaire de l’évangile de Luc (p.253-254), cette tentation, à laquelle ils ne devaient pas céder, est triple :

– celle qui vient du fait qu’ils le voient trahi par l’un des leurs ;

– celle qui vient du fait qu’il arrête leur bras lorsqu’ils veulent le défendre ;

– celle qui vient du fait que la puissance des ennemis paraît avoir le dessus.

Et les paroles puis les actions de Jésus à ce moment-là viennent de celui qui, justement, a déjà entièrement vaincu la tentation, celui qui est entièrement prêt à exécuter la mission qui lui était dévolue, celui qui ne veut rien pour lui-même et dont l’amour est entièrement tourné vers son prochain.

Par un baiser de trahison de la part de son disciple Judas, ‘l’un des douze’ (expressément nommé ici, v.47b), Jésus est donc arrêté. Et c’est alors qu’un autre de ses disciples, Pierre (cf. Jean 18:10a), veut, lui, défendre mordicus son Maître, en lui posant la question, somme toute légitime quand on se réfère à ce qu’il leur avait justement dit quelques heures auparavant, mais par rapport au fait qu’il serait ‘compté parmi les criminels’, à savoir prendre 2 épées, qui suffiraient (v.37-38) : ‘Seigneur, devons-nous frapper avec l’épée ?’ (v.49b).  Et, avant d’avoir reçu la réponse de Jésus, il ‘frappa le serviteur du grand prêtre et lui emporta l’oreille droite’ (v.50; l’évangile de Jean précise qu’il la lui ‘coupa’, et que ce serviteur s’appelait ‘Malchus’ – Jean 18:10c). L’évangile de Matthieu ajoute ici une parole de Jésus : ‘Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée mourront par l’épée’ (Matthieu 26:52).  Puis, cette autre parole : ‘Laissez faire, arrêtez (ou ‘cela suffit’)’ (v.51a), pour signifier qu’il est le maître du temps et des circonstances et qu’il doit aller au bout de sa mission, en étant quelques heures après cloué au bois pour porter sur lui le poids des péchés de l’humanité.

Puis survient quelque chose d’extraordinaire. Que va accomplir Jésus, dans ce moment de tension extrême qu’il est en train de vivre ? (…) – Il guérit l’oreille du serviteur du grand prêtre venu l’arrêter ! Alors qu’il avait d’autres chats à fouetter, si nous pouvons nous exprimer ainsi, il n’hésite pas à d’abord penser au bien des autres, même de son ennemi, plutôt que de s’apitoyer sur son propre sort pourtant si dramatique. C’est ici la dernière fois, avant sa mort, qu’il accomplit un miracle … et il le fait en faveur d’un ennemi ! Il montre ainsi que le sang ne doit pas être versé à cause de lui (cf. toutes les fois où des hommes, au nom soi-disant du Christ, ont massacré d’autres hommes en les forçant à se convertir …). Comme l’exprime le commentateur déjà cité (p.256), ‘il guérit encore en cette heure suprême et montre que la seule arme de sa communauté est l’amour agissant, même pour ses ennemis.’

Jésus met également ici en pratique son enseignement théorique bien connu (Luc 6:27-28) : ‘Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous détestent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent’, ce qu’il fera d’ailleurs aussi lorsqu’il sera pendu au bois de la croix (Luc 23:34).

Et quand, quelques heures plus tard, il dira au gouverneur Pilate que son ‘royaume n’est pas de ce monde’ et que si ‘son royaume était de ce monde’, ses ‘serviteurs auraient combattu’ pour lui pour qu’il ne soit pas livré aux Juifs (Jean 18:36) – ce que justement Pierre a essayé de faire -, il démontre par cette guérison d’un ennemi qu’il est clairement un acteur agissant dans la non-violence et pour la paix, et que c’est ainsi qu’il est venu établir son royaume.

Plusieurs chrétiens, à travers les âges, ont compris ce principe biblique issu de l’enseignement du Christ concernant la non-violence, et ont essayé de le mettre en pratique. Citons ici juste le quatrième des six principes de la non-violence du pasteur baptiste Martin Luther King : ‘La non-violence active accepte de souffrir sans user de représailles. Elle accepte de recevoir des coups sans rendre la pareille’. A la suite des paroles et des actes de Jésus notre Seigneur, même lors de ses moments les plus douloureux sur terre, puissions-nous être – dans la non-violence – des ‘artisans de paix’ (Matthieu 5:9).

Amen