Un article d’Evert Van de Poll 

Nîmes, à l’approche de Pâques 2020

Ce que nous sommes en train de vivre actuellement est absolument sans précédent. Certes, des épidémies, il y en a eu, tout au long de l’histoire. À chaque fois, elles ont fait de nombreuses victimes. Le plus souvent, une épidémie était limitée à une zone géographique, parfois une maladie infectieuse s’est répandue sur plusieurs régions et pays, comme la peste en 1345-1349 qui a anéanti un tiers de la population européenne, ou encore la grippe espagnole en 1918 qui a tué 20 millions de personnes dans le monde entier.

Mais jamais auparavant, autant de personnes dans autant de pays ont été touchées par une pandémie en si peu de temps, que cette fois-ci par le coronavirus. Plus de trois milliard personnes dans le monde entier, mises en quarantaine : cela dépasse tout ce que l’on a connu dans l’histoire.

Providence

Cette épidémie et la quarantaine imposée soulèvent toutes sortes de questions, aussi chez les chrétiens. Certains se demandent s’il s’agit là d’un jugement de Dieu, d’une punition pour une certaine transgression de ses lois. Je ne pense pas que nous devrions rendre Dieu responsable de la pandémie de cette manière-là. Il est plus approprié pour un croyant de se demander : qu’est-ce que la situation actuelle a à nous dire, à la lumière de la parole de Dieu.

La Bible révèle que Dieu n’est pas seulement le Créateur de l’univers, mais qu’Il maintient le fonctionnement de sa création au jour le jour, et qu’Il conduit l’histoire de l’humanité vers la réalisation de ses desseins. Cela s’appelle la Providence de Dieu. Il assure le fonctionnement de ce que nous appelons les lois de la nature. La nature contient également des virus, mais Dieu a créé l’homme de telle manière que la majorité des personnes touchées par un virus de grippe puissent y survivre. Y compris le coronavirus.

La Providence de Dieu n’exclut pas que des catastrophes naturelles se produisent. Mais là encore, nous devons nous rappeler les paroles de Jésus : « il y aura des tremblements de terre, et par endroits des pestes et des famines, mais cela ne sera pas tout de suite la fin » (Luc 21 : 9-11).

Dans le langage biblique, la fin de toutes choses est le but final, telos en grec.

Certains scientifiques et écologistes pessimistes aujourd’hui prédisent l’effondrement de l’humanité, voire sa disparition. Je n’y crois pas, puisque la fin que Dieu a prévue est une nouvelle création où règnent la paix et la justice. Je disais que la providence de Dieu n’empêche pas que le mal puisse frapper, même à grande échelle. Au lieu de chercher une explication (pourquoi ?), nous ferions mieux de nous demander ce que nous devons apprendre de ce qui se passe.

Voilà une autre posture, qui nous amène à réfléchir et à nous remettre en cause en tant qu’êtres humains. Comment en est-on arrivé là ?

Nous savons maintenant que l’homme a attrapé le coronavirus, comme d’autres virus, par des espèces animales que la Bible appelle « impures », donc interdites de consommation, ou bien par un contact avec le sang des animaux, ou encore par l’eau contaminée par les animaux (par exemple les rats). Si cela arrive, c’est en grande partie à cause du fait que les humains n’ont pas gardé la bonne distance avec d’autres espèces, et qu’ils n’ont pas respectés les limites et les frontières dans la nature.

Nous savons également que la pandémie du covid-19 s’est propagée à une vitesse fulgurante à cause du fait que l’on transporte énormément de produits à travers le globe, et les gens voyagent en masse d’un bout de la terre à un autre, souvent juste pour les vacances, donc pour le plaisir – avec des conséquences dévastatrices pour l’environnement que l’on connaît.

Cette pandémie nous apprend donc quelque chose sur l’homme moderne, son consumérisme, et sa « dépendance au transport ».

Arrêt total

La nature de l’homme étant ce qu’elle est, nous n’aimons pas trop nous attarder sur des questions fondamentales comme celles-ci. Parfois, il faut que quelqu’un ou quelque chose donne un grand coup d’arrêt, afin que nous soyons enfin disposés à réfléchir. Alors, c’est exactement ce qui se passe maintenant. La vie publique et une grande partie de l’économie sont au point mort, et la population est sommée de se tenir à l’intérieur.

Malheureusement, même ces circonstances inédites ne suffisent pas encore pour beaucoup de gens pour qu’ils se remettent en cause. On se plaint du manque de masques. On critique le gouvernement qui aurait dû mieux organiser ceci ou cela. D’autres recherchent de la distraction sur les réseaux sociaux. Les gens ont hâte de pouvoir sortir de nouveau. Ils sont impatients de pouvoir reprendre tout simplement, les activités, les voyages, les achats, les fêtes, et de rattraper au plus vite les « pertes » subies.

Mais de cette manière-là on n’aura rien appris. Une fois le confinement terminé, rien n’aura changé. Alors, toute la misère, toute la souffrance humaine et la perte de tant de vies, n’aura finalement servi à rien. Quel gâchis, quelle perte de temps !

Le désert d’abord

Une autre manière, plus sage, de vivre la mise à l’écart d’aujourd’hui est de la considérer comme une occasion que Dieu permet, afin de nous rendre plus sensible à sa voix.

La pandémie fait rage et chacun est renfermé chez soi. En même temps nous sommes dans la période qui précède la Pâque juive et les Pâques chrétiennes. Hasard de calendrier ? Je dirais plutôt une coïncidence providentielle, permettant de voir les circonstances que nous traversons sous une autre lumière.

Ces jours-ci, nous nous souvenons de ce que le peuple d’Israël a été délivré de l’oppression en Égypte. Mais après la traversée de la Mer des Joncs, ou la Mer Rouge si vous voulez, ils n’ont pas été conduits directement à la terre promise ou coulent le lait et le miel. Au lieu de cela, ils ont d’abord été amenés dans les lieux désert et inhospitaliers autour du mont Sinaï. Dieu a utilisé ce temps de confinement en quelque sorte pour « tester ce qui était dans leur cœur » (Exode 20).

Tout comme aujourd’hui, le peuple râlait, ils avaient hâte de pouvoir sortir et de gagner au plus vite la terre promise. Mais il fallait faire ce détour, dont ils avaient du mal à comprendre le sens. Le Seigneur Dieu leur avait réservé une bénédiction dans cette traversée du désert. Car c’est précisément là qu’ils ont vécu des miracles et que Dieu s’est révélé à eux. C’est à qu’il leur a communiqué la volonté divine de la Torah, la Loi de Moïse. C’est là que le peuple fut invité à entrer dans une relation d’alliance avec son Dieu. C’est là qu’ils ont été instruits. Sinon, ils n’auraient pas compris comment vivre dans la terre promise, une fois arrivé à la destination.

De façon similaire, Jésus est passé, lui aussi, par un confinement dans le désert. Après son baptême, quand la voix du ciel avait parlé : « Voici mon Fils bien-aimé », il ne pouvait pas commencer son ministère public tout de suite. L’Esprit de Dieu l’a d’abord « poussé » dans un lieu déserté pour un temps d’épreuve, de tentation, de prière, de méditation sur la Parole et de consécration à son Père céleste.

L’enfermement imposé aujourd’hui est comme un désert. Nous pouvons le vivre, soit de manière négative, comme le peuple d’Israël, en nous plaignant de ce qui nous manque, et en déplorant tout ce que nous ratons. Soit de manière instructive, comme le peuple d’Israël a dû l’apprendre. C’est-à-dire, saisir cette situation comme une opportunité que Dieu nous donne pour réfléchir sur la façon dont nous vivons, sur nos priorités, sur les préoccupations qui remplissent nos journées.

Qu’est-ce qui importe le plus ? À quoi accordons-nous le plus d’attention ? Sommes-nous reconnaissants de ce que nous avons, ou sommes-nous aveuglés par une économie du « jamais assez », à la recherche du « toujours plus » ? Respectons-nous les limites que Dieu a instaurées dans la nature ? Compatissons-nous avec les personnes aux prises avec la maladie, pleurons-nous avec ceux qui pleurent la perte d’un être cher, ou sommes-nous avant tout, ou peut-être uniquement préoccupés pas nos propres soucis ?

Lève-toi

Dans la tradition chrétienne, les jours avant Pâques ont toujours été un temps de repentance et de prière – le carême. Un temps d’abstinence : manger moins, consommer moins, jeûner, faire la part des choses dans la vie spirituelle comme dans notre quotidien. Un temps de mortification, car les choses qui nous éloignent du Christ doivent être mises à mort. C’est ainsi que l’on se prépare à la fête de Pâques, afin que la résurrection du Christ prenne vraiment tout son sens pour nous.

Ce jour-là nous célébrons sa résurrection.  Tout d’abord comme un événement historique qui a inauguré une nouvelle ère pour l’humanité. La mort est vaincue !

Deuxièmement, le ressuscité est aussi le ressuscitant. Celui qui a vaincu la mort de lui-même va aussi ressusciter ceux qui croient en lui. La résurrection du Christ signifie un exode de la domination de la mort. La porte d’une relation éternelle avec le Seigneur Dieu a été ouverte aux hommes – y compris à celles et ceux qui souffrent maintenant du coronavirus, et qui vont peut-être y succomber.

« Celui qui croit en moi [Jésus] vivra, même s’il meurt et celui qui vit en croyant en moi ne mourra jamais » (Jean 11 : 25-26).

Plus encore, le Ressuscité donne sa puissance de résurrection en partage ici et maintenant. Sa puissance et sa présence dans notre vie terrestre nous portent dans les épreuves et nous transforment. Même dans notre confinement ! Alors, faisons-en un temps de carême. L’heure est à l’examen de soi. Comprendre ce que nous devons changer où laisser de côté. Apprécier les bonnes choses que nous avons reçues par la grâce de Dieu sans nous en rendre compte. Se débarrasser des « œuvres mortes » qui nous éloignent du Seigneur. Répondre à l’appel de Pâques : lève-toi dans une mode de vie renouvelé.

En ce faisant, la pandémie qui apporte tant de difficultés, de souffrance et de chagrin, nous réservera une bénédiction.