Que peut nous apprendre Mary Poppins sur le Carême ? Beaucoup de choses surprenantes, selon l’auteur Lucy Berry, dont un nouveau guide d’étude autour du Carême est basé sur le film nominé aux Oscars en 2018.
J’ai été étonné qu’on me demande d’écrire pour le Carême sur Le retour de Mary Poppins. J’ai dit oui, même si je ne savais pas si je pouvais le faire. Mais je suis quelqu’un qui va à la recherche du Dieu caché dans tout et n’importe quoi. Je crois que Dieu se cache particulièrement là où il n’est pas invité. J’ai donc tenté ma chance.
Les films de Disney sont de vieilles choses amusantes. Ils sont un peu ringards, mais ils se faufilent parfois à travers nos défenses naturelles et nous font couler une larme. C’est un genre de pleurs réconfortants, n’est-ce pas ? Les films qui font pleurer sont en quelque sorte réconfortants. Cette capacité à être léger et, en même temps, confortablement nostalgique est vraiment très intelligente. Et Disney est vraiment très intelligent.
Une voix gaie, courageuse et optimiste peut être entendue dans ces films, que la Disney Corporation s’efforce de maintenir en vie. Elle gazouille, nous obligeant à nous identifier, à garder la tête haute, à nous laisser guider par notre conscience. C’est la voix inaltérable de Walt Disney lui-même, qui s’exprime à travers chaque film De la firme. Et en plus, ça rapporte des millions de dollars… Enfant, je m’identifiais à Dumbo, Bambi, Mowgli… comme « la Voix » me l’avait suggéré. Les petites angoisses des films de Disney sont toujours suivies de petites doses de gaieté, car l’intention ultime est un soulagement agréable. Disney ne se confronte jamais tout à fait, donc il ne peut pas tout à fait sauver… donc il fait semblant. Je ne pouvais pas savoir alors qu’on me nourrissait de sentiments, pas d’émotions. En y repensant maintenant, ces films contiennent des truismes qui, (si l’ancre de ma mère n’avait pas été la Bible), m’auraient semblé tout à fait véritables. Mais les truismes ne sont pas la réalité. Je savais déjà quand même à l’époque que lorsque l’on fait un vœu devant une étoile filante, les rêves ne se réalisent pas forcément.
Avant de pouvoir commencer à écrire sur Le Retour de Mary Poppins, je suis retourné lire les livres. Avec mon petit-fils, j’avais l’habitude de m’asseoir et de lire ou regarder des histoires. Les écrivains ne peuvent pas facilement garder leurs idées sur l’ordre du monde hors de leurs histoires ; alors, pour éviter l’ennui (nous avons regardé Le Vent dans les saules vingt-sept fois), j’ai commencé à chercher où Dieu entrait en jeu. Dieu, pour Winnie l’ourson et Porcinet, c’est Christopher Robin : une personne qui en sait plus que tout le monde, mais qui a encore beaucoup à apprendre. Dieu, pour Thomas the Tank Engine, c’est le gros contrôleur : la personne qui s’occupe de tout. Dieu, pour The Railway Children, est le Père : une Personne lésée qui revient d’une grande souffrance, apportant une nouvelle terre.
Avez-vous lu tous les livres de Mary Poppins ? Je les ai souvent lus quand j’étais enfant, puis je les ai tous lus à nouveau pour ce projet. Ils sont assez amusants pour avoir attiré l’attention de Walt. Mais l’auteur, P. L. Travers, traite d’idées et de questions que Disney a rarement soulevées depuis Pinnochio ; des idées sur l’égoïsme et l’intégrité. Certaines histoires de Mary Poppins sont des récits de punitions. Si Poppins équivaut à Dieu pour P.L. Travers, alors elle est une personne complexe apportant à la fois la joie, la confusion mêlée de honte, et une détermination opaque à ne pas expliquer. Que vous aimiez Mary ou non, les livres de Poppins sont d’une seule pièce, et ils sont sincères.
Mary Poppins, par l’intermédiaire de Disney, devient autre chose. Dans aucun des deux films, elle n’est la personne si entière que l’on trouve dans les livres. Mais il est rare que les personnages de Disney trouvent leur propre voix. La voix de Disney est trop forte pour eux ; pas exactement hypocrite, mais généralement trop désireuse de plaire pour être authentique. La Bible n’est pas désireuse de plaire, ni facile à plaire. Elle est absolument et concrètement sincère. Elle traite de choses qui, selon les auteurs, ne sont pas négociables. Elle est exigeante, et le Carême est donc nécessairement très difficile. D’année en année, l’histoire du temps du Christ dans le désert exige de nous des changements, des choix et des décisions. Il s’agit de toutes sortes de faim, de pouvoir et de tentations de l’ego. Elle nous conduit à une histoire horriblement choquante qui ne peut être négociée et qui doit être affrontée. Le Carême et Pâques sont, soi-disant, l’antithèse de Disney.
Mais regardez Le retour de Mary Poppins, et vous verrez malgré tout s’ouvrir de grandes et fantastiques thématiques (la faim, le pouvoir, l’argent, la mort, la perte, la lumière), qui parfois accablent la traditionnelle “Voix de Disney” et la laissent en difficulté : Ce film n’est pas vraiment un Mickey Mouse. L’intrigue n’est pas si agréable. Elle a en quelque sorte brisé le moule. Il y a un personnage dans le film, (je ne dirai pas lequel), qui aime inconditionnellement et risque tout pour les autres. Il y a un personnage qui est en train d’être crucifié. Et il y a une chanson (je ne dirai pas laquelle) qui reflète la vie, l’amour, le doute et la perte avec une précision touchante.
J’aimerai vous inviter sincèrement à regarder ce film pendant le Carême, et le faire de façon très attentive. Rien ne fonctionne dans ce film comme un film Disney “devrait” classiquement le faire. Regardez attentivement et vous verrez qu’il ne se termine pas tout à fait là où il est destiné. Vous voyez, je pense que Dieu est entré, sans y être invité. Si vous écoutez attentivement, vous entendrez la voix de Disney vaciller de temps en temps, alors qu’une autre petite voix entre en scène.