Personnellement, je n’ai jamais connu, jusqu’à présent, la triste expérience de déambuler au travers de ruines et de décombres. De par ma visite dans le village dévasté et conservé en l’état d’Oradour-sur-Glane dont nous venons de rappeler l’épouvantable 75ème anniversaire, je soupçonne un sentiment traumatisant et une impression de désespérance. Les récentes manifestations autour des deux grandes guerres mondiales du siècle passé ont permis de nous rappeler les méfaits de la guerre, si besoin était… Comme moi, vous n’avez sûrement pas échappé, au détour de reportages télévisés ou d’articles sur le sujet, à la vision de ces villes et villages déchiquetés par les bombes et obus des belligérants de tous bords. Et que dire, des bien douloureuses images sur la Syrie, sur le Soudan, sur le Mali ou d’autres lieux de conflits récents.

Le prophète Esaïe a peut-être connu la tristesse et l’angoisse de cheminer au milieu des ruines et des décombres de son peuple Israël. Il sait, en tout cas, en faire état. Néanmoins, à plusieurs reprises, alors qu’Esaïe parle de ruines, l’Esprit du Seigneur qui inspire ses paroles laisse entrevoir des rais de lumière dans les ténèbres de la misère humaine. Au cœur de la dévastation, pointe une timide mais sûre parole d’espérance. Laissons-nous interpeller par cette parole qui a inspiré le thème de notre année à la Fédération baptiste : “Une Église qui résonne dans la Cité”. C’est au chapitre 61 du livre du Prophète Esaïe, les versets 1 à 4 ; nous nous arrêterons en particulier sur le verset 4 !

Le Seigneur Dieu me remplit de son Esprit, car il m’a consacré et m’a donné pour mission d’apporter aux pauvres une bonne nouvelle, et de prendre soin des désespérés ; de proclamer aux déportés qu’ils seront libres désormais et de dire aux prisonniers que leurs chaînes vont tomber ; d’annoncer l’année où le Seigneur montrera sa faveur à son peuple, le jour où notre Dieu prendra sa revanche sur ses ennemis ; d’apporter un réconfort à ceux qui sont en deuil. Ils portent le deuil de Sion, mais j’ai mission de remplacer les marques de leur tristesse par autant de marques de joie : la cendre sur leur tête par un splendide turban, leur mine douloureuse par une huile parfumée, leur air pitoyable par un habit de fête. Alors on les comparera à des arbres qui font honneur à Dieu, à un jardin qui révèle la gloire du Seigneur. Ils relèveront les anciennes ruines, ils rebâtiront les maisons jadis abattues, ils restaureront les villes restées si longtemps dévastées.

Si vous avez lu les Évangiles, ce que je vous recommande vivement si tel n’était pas encore le cas, vous vous souvenez que dans celui de Luc en particulier, Jésus, au tout début de son ministère, s’approprie cette prophétie énoncée au 7ème siècle avant notre ère. C’est dans l’évangile de Luc au chapitre 4, les versets 16 à 21. Le Christ, devant ses compatriotes de l’époque, arrête la lecture de ce rouleau d’Esaïe au milieu du verset 2 ajoutant alors que cette parole est devenue réalité. Il laisse ainsi, me semble-t-il, au peuple réconforté et restauré la responsabilité de donner vie et corps, en son Église, à cette belle réalité de la réhabilitation. C’est la mission de l’Église avec un grand “E”, et donc de toute communauté qui se réclame animée par la mission du Christ, et donc de tous croyants qui prétend lui appartenir.

Plusieurs détails du verset 4 de ce chapitre 61 du livre d’Esaïe ont attiré mon attention que je vous livre en quelques courtes pensées méditatives :

  1. Du travail pour tous : ILS rebâtiront…
  2. Du travail pour tous les temps : le texte hébreu que ne rend malheureusement pas la traduction utilisée évoque une continuité avec le terme “de génération en génération”…
  3. Un travail par étapes : relever – rebâtir – restaurer
  4. Du travail sur la base du passé : pas d’oubli, mais le pardon ! Attention de ne pas faire table rase du passé trop rapidement au risque de construire sur un terrain miné ou instable ; d’autre part, il est parfois bien utile d’utiliser pour la nouvelle construction les pierres anciennes laissées en friche…

Nous sommes ambassadeurs, ouvriers avec Christ comme nous le rappelle à l’envie l’apôtre Paul dans ses lettres.

Il y a du pain sur la planche dit-on. Le pain du Christ est à partager avec tous ceux qui ont faim et soif de justice et de paix : l’Église est le lieu que Dieu a choisi pour vivre ce partage avec tous jusqu’au retour glorieux de Jésus-Christ. En attendant, à nous de faire résonner la bonne nouvelle de la reconstruction !

Marc DERŒUX, secrétaire général de la FEEBF