Comment fonctionne votre Église depuis que nous sommes en confinement ?
Ce temps de confinement offre une occasion, non souhaitée mais tout de même bénéfique, de rebondir et de réfléchir à la façon de faire Église. Comme chacun, nous étions habitués à nos rencontres physiques régulières, et nous avons dû innover pour garder le lien fraternel et ecclésial.
Depuis mon arrivée à Amiens j’avais déjà mis en place quelques outils internet (la page Facebook et la chaîne YouTube « Eglise Evangélique Baptiste Amiens », les dons en ligne, …) et avec l’objectif, lorsque le temps le permettrait, de valoriser cela. Voici enfin le moment. Même si les premiers temps de confinement ne m’ont pas encore permis d’aller au bout de mes projets pour déployer l’ensemble des fonctions de ces sites, les prochaines semaines permettront de mieux utiliser ces outils.
Pour les rencontres de la semaine, nous utilisons la plateforme « zoom ». Cela permet de vivre des temps de prières et des études bibliques de façon interactives.
Pour conserver une relation fraternelle de proximité, j’ai mis en place des groupes où les membres sont invités à se téléphoner au moins une fois par semaine. Le but de ces appels est de prendre des nouvelles (nous voulons veiller à réduire l’isolement de certains qui pourraient se trouver en difficultés) mais aussi, de prendre un temps autour de textes bibliques. Concernant les textes bibliques, j’ai transmis quelques passages à lire quotidiennement, tout d’abord pour préparer la pâque, puis pour préparer la pentecôte. Suivant les groupes, cela marche plus ou moins bien.
De plus, nous avons organisé une rencontre en visioconférence chaque soir lors de la semaine de pâque pour cheminer avec les textes où Jésus s’oriente vers la croix. Nous avons terminé avec une aube pascale le dimanche à 9h.
De mon côté, je tâche d’appeler par téléphone chaque personne au minimum toutes les trois semaines.
Du côté du CNEF80 (je suis le délégué départemental), nous cherchons à garder un contact concret. Nous avons même organisé le culte de pâque à trois églises (tout en restant confiné).
Quels sont les éléments positifs que vous relevez ?
Ce confinement est une superbe occasion d’innover et de réfléchir à ce que sera l’Eglise de demain. Je me rends compte que mes prédications n’ont jamais été autant suivies. Je n’ai jamais eu autant de retour de personnes hors de l’Eglise qui suivent nos cultes. Des habitants de mon village et des personnes extérieures à l’Eglise m’ont dit qu’elles avaient suivi le culte.
Cela m’encourage à diffuser davantage par les réseaux sociaux.
Sur le plan écologique, c’est très intéressant de constater que certaines rencontres (les pastorales, les rencontres administratives) peuvent se faire sans se déplacer. Toutefois, on se rend tout de même compte que pour certaines réunions (conseil d’Eglise entre-autre), la rencontre physique permet d’aller plus en profondeur.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées ?
La première difficulté est d’abord le regret de ne pas voir l’Eglise réunie physiquement. Une foi qui confesse l’importance de l’incarnation et qui perd le lien physique perd ce qui est à mes yeux sa plus grande richesse. La distance et l’impossibilité d’exprimer son amour fraternel physiquement fait souffrir plusieurs.
La seconde difficulté se situe sur le plan social. Depuis maintenant un an et demi, nous avions un panier solidaire à l’entrée de l’Eglise. Cela offrait l’opportunité à certaines personnes en difficulté d’avoir un léger confort alimentaire en semaine.
Après quelques semaines de confinement, j’ai découvert qu’un drame sanitaire frappait les plus précaires (étudiants, étrangers, famille monoparentale, …). Nous avons dû réagir rapidement. Maintenant, nous ouvrons l’Eglise le samedi de 10h à 12h pour recevoir les dons alimentaires que certains viennent déposer (les gestes barrières sont respectés, les colis sont déposés à l’entrée et le bénévole se situe à un autre endroit). Ces aliments sont ensuite distribués aux bénéficiaires.
Liés à cela, le secours catholique m’a aussi confié quelques chèques solidaires à distribuer.
Cela me conduit à prendre conscience de la crise sociale que nous allons traverser. D’où certaines réflexions sur l’après confinement.
Envisagez-vous déjà l’après confinement ? et si oui… comment ?
Plusieurs réflexions jaillissent.
Pour continuer sur le point précédent et la crise sociale, j’ai envoyé un mail aux autres églises protestantes de la ville d’Amiens pour réfléchir à une réponse. Nous avions déjà programmé de faire avec les autres églises CNEF un événement en Août prochain en organisant un village solidaire avec l’aide de « convoy of hope » et de la ville d’Amiens. Mais nous allons aussi réfléchir à la façon dont nous pourrions communément trouver notre place de façon suivie pour l’entraide sociale commune (peut-être la création d’un CNEF solidaire 80 ou entraide protestantes). La réflexion doit maintenant évoluer.
Sur le plan de l’Eglise locale, une réflexion se pose de conserver certaines réunions de semaine en visioconférence. Les échanges avec les frères et sœurs nous éclaireront sur ce point.
Sur le plan fédératif, je m’interroge s’il n’y a pas possibilité de mettre en commun des supports médiatiques selon les compétences de chacun pour offrir à nos églises différents contenus (pour les enfants, pour une méditation quotidienne, pour des activités…). L’idée est d’offrir la réponse que pourrait être celle d’un grand groupe et d’éviter que des petites églises ne deviennent invisibles face aux e-églises très visibles par internet…
Un dernier mot à laisser à nos lecteurs dans cette période si particulière ?
J’espère que ce temps nous entrainera à réfléchir sur le plan ecclésial mais aussi sur le plan politique à nos rapports économiques et écologiques. Ce confinement semble être une bouffée d’oxygène pour la création. Cela est peut-être l’occasion de réfléchir davantage lors de nos prédications à la gestion de la maison commune. Tiens, j’ai peut-être là mon message de dimanche…