Pendant cette période où nos églises (bâtiments) ne peuvent plus rassembler, nous nous intéressons au vécu de nos communautés locales et aux choix qui y sont fait pour continuer à être Église.

Rencontre avec Samuel DUVAL – pasteur Église de Bordeaux

Pouvez-vous nous dire ce que vous mettez en place localement pour maintenir la communion fraternelle et continuer à être Église dans ce contexte de confinement ?

Pour continuer à se nourrir et s’encourager par la Parole de Dieu, nous proposons un enseignement biblique sous forme numérique :

Le dimanche matin, à 11h, une vidéo de prédication préenregistrée de notre pasteur Samuel Duval est mise en ligne.

Le mardi à 20h30, les ateliers bibliques sur l’Evangile de Marc en direct avec le pasteur qui peut ainsi répondre en « live » aux questions/commentaires par le biais d’un tchat. Si cet événement n’est accessible en live qu’aux membres de l’Eglise, dès le lendemain cette étude biblique sera disponible sur la chaîne youtube.

Deux fois dans la semaine, le pasteur poste une pastille vidéo (moins de 5 mn) dans laquelle il répond à une question qu’on lui a posé ces jours-ci : « Pourquoi les chrétiens tombent-ils malades ? », « Pourquoi Dieu ne répond pas à toutes les prières ? »,…

Nous savons aussi que la louange est source d’encouragement : tous les jours une personne de l’équipe de louange, à tour de rôle, poste l’enregistrement d’un chant accompagné d’une pensée biblique qu’il/elle a enregistré depuis chez lui.

Toutes les personnes de l’Eglise (régulières ou passagères) sont contactées au moins une fois par semaine par un membre de l’équipe d’intercession.

Le pasteur continue les réunions de conseil et entretiens pastoraux par téléphone ou par appel vidéo.

Qu’est ce qui a influencé ces choix ?

Les gens passent beaucoup plus de temps sur internet et sur les réseaux sociaux, en quête d’information et de communion… pour le meilleur (rendons grâce à Dieu pour ces technologies !) et parfois aussi pour le pire : on a vu proliférer des fake news et autres théories du complot, mais aussi une spiritualité de consommation, remplie de promesses de toute puissance et de guérisons systématiques… bien éloignées de la vérité évangélique ! On a vu aussi une tentation, celle où « confinement » rime avec « égoïstement » alors qu’il doit rimer avec « solidairement » : comment se protéger en restant chez moi tout en me demandant comment venir en aide aux autres ?

Quelles sont les priorités pastorales auxquelles vous êtes confrontés ?

Ces priorités sont autant de membres de notre communauté qui sont autant de sujets de prière : il y a cette sœur réfugiée venue d’Irak qui parle encore peu notre langue mais à qui on a pu donner une Bible en arabe juste avant le confinement ; les parents de jeunes enfants ou mères célibataires, confinés dans des petits espaces ; les plus âgés, vulnérables, inquiets mais riches de leurs autres expériences de gestion de crise (la guerre,…); nos membres engagés comme personnel de santé mais aussi ceux qui sont facteurs ou vendeuses de supérette : ils sont en première ligne dans notre guerre face au virus.

Je crois que le plus grand défi est de réaliser que nous n’en sommes qu’au début, que plusieurs longues semaines sont encore devant nous et qu’il faut donc accepter que les réponses pastorales que nous proposons seront sans doute amenées à évoluer, à s’adapter ; nous sommes dans une pastorale créative, souple, car à l’écoute de besoins qui vont encore évoluer au fil du temps qui va passer. Nous pensons cet accompagnement pour l’instant comme des respirations qui donne de l’oxygène. Mais les défis d’aujourd’hui ne seront sans doute pas ceux dans 4 semaines. Et pour cela il faut aussi s’engager dans le temps, tenir la distance. Je pense en particulier à deux fléaux sur lesquels nous devons rester vigilants: la solitude qui va peser de plus en plus lourd et les tensions pour les femmes victimes de violence conjugale et les enfants vivant dans ces foyers violents.

Un dernier mot à laisser à nos lecteurs dans cette période si particulière ?

Je lis des articles se demandant déjà comment ce sera après, ce que cette crise aura changé… C’est peut-être une façon d’essayer de voir la lumière au bout du tunnel mais je crains que cela nous fasse passer à côté de nos responsabilités pour ici et maintenant : passons notre énergie pour aujourd’hui, demandons-nous quelles sont « les œuvres préparées d’avance afin que nous les pratiquions» (Eph 5.10) que le Seigneur a pour nous ici et maintenant : quel don, quelle ressource puis-je offrir à mon Eglise, mes voisins, ma famille, mon pays ? Quelle personne puis-je appeler, quel temps de prière pour nos soignants ? Et ce n’est pas qu’au niveau du faire mais aussi dans mon être, ma relation à Dieu qu’il veut façonner en ce jour. Quelle facette du Seigneur veut-il m’inviter à découvrir dans ces semaines particulières ? Nous ne sommes pas encore à la question de demain, nous en sommes à vivre aujourd’hui en témoins de l’Evangile.